Association internationale de Papyrologues

International Association of Papyrologists




In memoriam Robert Cavenaile

1918-2007


Discours prononcé durant l'Assemblée Générale de l'AIP réunie à Genève le 21 août 2010
Speech delivered during the General Assembly of the AIP gathered in Geneva on August 21st, 2010 par - by: Marie-Hélène Marganne



Robert Cavenaile est décédé à Liège le jeudi 30 août 2007, à l'âge de 88 ans. Né le 2 octobre 1918 à Wasmes, non loin de la ville de Mons, en Belgique, il effectua ses études supérieures à l'Université de Liège, où il acquit les titres de licencié agrégé en philologie classique en 1940 et de docteur en philosophie et lettres en 1949. Comme son maître Nicolas Hohlwein (1877–1962), il faisait partie des membres fondateurs de l'Association Internationale de Papyrologues, créée en 1949.

Il terminait ses études de licence lorsque, le 10 mai 1940, débuta en Belgique la deuxième guerre mondiale, au cours de laquelle il participa à deux campagnes, celle de 1940, qui lui vaudra la Médaille commémorative de la guerre 1940-1945, et celle de 1945. Ces événements, qu'il relata dans plusieurs publications destinées à ses frères d'armes, lui laissèrent une impression profonde et firent de lui un Européen convaincu.

Après avoir été professeur de langues anciennes dans l'enseignement secondaire de 1944 à 1964, il devint assistant, puis, chef de travaux, et enfin, à partir de 1974, chargé de cours dans le Département de philologie classique de l'Université de Liège, jusqu'à son admission à la retraite en 1984.

Dans le milieu des papyrologues, Robert Cavenaile est surtout connu comme l'auteur du Corpus Papyrorum Latinarum (CPL), publié à Wiesbaden, en quatre livraisons, de 1956 à 1958. Cet ouvrage représente en réalité le tome II, mis à jour et remanié, de sa thèse de doctorat sur Le latin d'Égypte et son influence sur le grec. De fait, pour réaliser cette étude linguistique sous la direction de René Fohalle, il avait dû d'abord collationner tous les papyrus et ostraca latins d'Égypte connus à l'époque. Le Recueil des papyrus latins qui en résulta, répondait à une demande maintes fois formulée depuis le début du XXe siècle, par des savants comme F. Preisigke, U. Wilcken, A. Calderini, et concrétisait enfin un projet plusieurs fois envisagé, notamment par Seymour de Ricci, F. Bilabel et A. Traversa, sans jamais avoir été réalisé. Pour cette entreprise, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres décerna à Robert Cavenaile le prix du Budget de 1953.

Malgré ses lourdes tâches d'enseignement et la conception de manuels à l'intention des élèves, l'intérêt de Robert Cavenaile pour la papyrologie, les papyrus latins et l'histoire de l'Égypte gréco romaine en général, ne devait jamais se démentir, comme le montrent ses contributions, non seulement sur les développements de la papyrologie, tant littéraire que documentaire, spécialement en relation avec l'armée romaine d'Égypte, pour laquelle il élabora, en 1970, une prosopographie regroupant 2.249 noms, mais aussi sur des sites égyptiens comme Alexandrie et Dionysias, sans oublier celles sur l'apport de la papyrologie à l'enseignement des langues anciennes et de l'histoire dans l'enseignement secondaire. Jusqu'à sa mort, il continua à tenir à jour la liste des papyrus latins et à compléter les données bibliographiques des papyrus faisant partie du CPL. Ce souci transparaît, non seulement dans les corrections et annotations de son exemplaire personnel (voir http://promethee.philo.ulg.ac.be/cedopal/Cavenaile.pdf ), mais aussi dans plusieurs articles qu'il rédigea à l'âge de la retraite, comme Sur quelques vers de l'Alceste latine de Barcelone (Hommages à Jozef Peremans, Bruxelles, 1986, pp. 39-47), Le latin dans les milieux chrétiens d'Égypte (Miscel.lània Papirològica Ramon Roca-Puig en el seu vuitantè aniversari, Barcelona, 1987, pp. 103-110), et Papyrus latins 1991: bilan et perspectives (Serta Leodiensia secunda. Mélanges publiés par les Classiques de Liège à l'occasion du 175e anniversaire de l'Université, Liège, CIPL, 1992, pp. 47-62). Dans ce dernier, évaluant le nombre des papyrus latins alors édités à 550, il montrait l'apport extraordinaire de cette documentation, non seulement à l'étude de la paléographie latine, qu'elle avait contribué à révolutionner, mais aussi à l'histoire de la littérature et à l'histoire tout court, avec la masse imposante des textes documentaires (plus de 400) et insistait enfin sur le caractère provisoire de son bilan, puisque "la papyrologie obéit à la loi de la révision permanente".

Pédagogue hors pair, Robert Cavenaile était plein d'humanité et de bienveillance pour les jeunes. À lire l'ensemble de ses contributions et pour avoir suivi plusieurs de ses cours à l'Université de Liège, il me semble que les préoccupations principales de mon ancien maître furent l'utilité des recherches qu'il menait et la transmission des connaissances, pour laquelle il se dépensa sans compter. Son apport à l'enseignement des langues anciennes et à la papyrologie, où, dans les circonstances difficiles de l'immédiat après-guerre, il a fait oeuvre de pionnier en réunissant en corpus les textes latins et en étudiant l'influence du latin sur le grec d'Égypte, a été et reste considérable. Le Centre de Documentation de Papyrologie Littéraire de l'Université de Liège a souhaité lui rendre hommage en poursuivant et en complétant son oeuvre.